Nous apprenons avec émotion le décès de Laurent Avon, défenseur passionné des races à petits effectifs…. L’Institut de l’Elevage a publié un hommage à ce grand homme de terrain
Laurent Avon, personnage atypique, aura profondément marqué le monde des races à très petits effectifs.
Son arrivée parmi nous illustre bien sa personnalité. En 1976, en visitant un élevage de Villard de Lans sur le plateau du Vercors, Jean-Maurice Duplan, chef de la Section Amélioration Génétique de l’ITEB, rencontre Laurent Avon, qui lui fait part de son grand intérêt pour les races en danger. Le Ministère, sur proposition de Jean-Maurice Duplan, venait justement de décider de réserver 0,5% des crédits génétiques à la conservation. Laurent, licence de droit en poche, partait chaque été en Suisse pour garder les vaches d’Hérens en alpage. Intrigué par ce « hippie en jean » (sic), Duplan lui demande « et le reste du temps, que faites-vous ? ». « Je suis disponible » lui répond Laurent. Et ainsi, Laurent a commencé à l’ITEB comme « travailleur saisonnier », chaque hiver, pour rechercher et recenser les derniers éleveurs détenteurs de ces races. En 1980, il intégrera l’ITEB à temps plein.
Par ses tournées de recensement, dans les vallées alpines ou pyrénéennes, dans les marais de l’Ouest ou dans les monts d’Auvergne, Laurent a créé du lien entre les éleveurs détenteurs de ces races reliques, qui, isolés, ne se connaissaient pas toujours. Il leur a ainsi permis des échanges d’informations et d’animaux. Ces races n’étaient généralement pas disponibles à l’insémination, les éleveurs utilisaient la semence de taureaux d’autres races, contribuant à accentuer le déclin de ces populations. L’urgence de Laurent était donc aussi de repérer les derniers taureaux existants, et de convaincre les éleveurs et la coopérative locale d’insémination de collecter quelques centaines ou milliers de doses de semence. Ce sont ainsi quelques centaines de taureaux qui ont pu être collectés grâce à son travail et qui sont toujours utilisés aujourd’hui par les éleveurs pour permettre la pérennisation et le développement de nombreuses races.
La passion de Laurent pour la sauvegarde de ces races n’avait pas de limite, allant jusqu’à racheter lui-même des vaches destinées à l’abattoir, et les placer ensuite en pension chez des éleveurs de sa connaissance. Au milieu des années 1980, c’est une douzaine de races minoritaires qui font ainsi l’objet de programmes de conservation, devenus pour certains des « programmes de relance ». Le démarrage des programmes s’est échelonné sur plus 10 ans, de 1975 à 1987 dans un premier temps, avec un dernier plan démarré en 1997 pour la Saosnoise. Laurent a ainsi initié les programmes de conservation en races Armoricaine, Béarnaise, Casta, Ferrandaise, Froment du Léon, Lourdaise, Maraichine, Mirandaise, Nantaise, Saosnoise et Villard de Lans. Sa connaissance profonde du terrain a aidé à la construction d’initiatives dans d’autres espèces comme la chèvre des Fossés ou encore, le chien berger d’Auvergne.
Handicapé dans sa mobilité depuis une dizaine d’années, il conservait une passion pour cette œuvre de sauvegarde. Il nous a quitté en ce mois de mai 2022, en allant visiter 2 élevages de race Villard de Lans, race à laquelle il était attaché depuis son enfance.
La diversité actuelle des races françaises doit beaucoup à ce membre fidèle de la Société d’Ethnozootechnie.
Adieu Laurent
Les obsèques auront lieu à Tournon sur Rhône, au nord de Valence le samedi 21 mai prochain à 11h.
Une adresse mail a été créée pour recueillir les messages destinés à sa famille : ensouvenirdelaurentavon@gmail.com
Idele avec l’aimable contribution de Pierre-Louis GASTINEL